mercredi 28 février 2007

Ce qui me chagrine

Les gens seuls me chagrinent. Même s’ils sont seuls par choix. Parce que si ce choix a un jour été à faire, il a sans doute été guidé par quelques bonnes raisons… Je ne peux pas les accompagner.

Les gens tristes me chagrinent. La douleur des autres forme une boule dans ma gorge et je verse des larmes à leur place. Leur douleur est souvent animée d’une lourdeur de vivre immesurable, et je n’y peux rien.

Les vieux itinérants me chagrinent. Ils sont et seuls, et tristes à la fois. Leur misère me colle au corps telle une seconde peau. Recevoir un câlin est le plus beau cadeau du monde pour eux, mais tout de suite après, ils se retournent et redeviennent abandonnés et invisibles. Je ne suis pas magicienne, je ne peux pas leur rendre la vie.

Les enfants qu’on n’aime pas me chagrinent. Ils ont ce regard qui crève le cœur, ces grands yeux miséreux remplis de larmes de sang coulant d’une blessure qu’on leur a faite dans le nerf central du bonheur. Ils n’ont pas demandé à être rejetés, ils n’ont pas demandé à être blessés, ils n’ont pas demandé à exister. C’est pourtant si facile de les aimer… mais je ne peux pas tous les aimer à la fois.

Les gens fâchés me chagrinent. La colère brise et arrache tout sur son passage. Son carnage ne laisse pas beaucoup de chance de s’en sortir indemne et elle laisse une marque trop souvent indélébile là où elle passe. Elle est mesquine et aveugle, et beaucoup trop bavarde. Je ne suis pas suffisamment calme pour apaiser les gens fâchés.

Les gens âgés me chagrinent. On oublie qu’ils ont été là, on oublie qu’ils ont été de vraies personnes, on oublie qu’ils ont été sages, et fous, et amoureux, on oublie qu’ils ont appris, qu’ils NOUS ont appris avant d’être oubliés, on oublie qu’ils ne sont pas morts, pas encore. Leur maladie est souffrante, leurs pensées sont débordantes, leurs souvenirs sont de véritables trésors. Je les aime, mais je ne peux pas les aider. Quant je leur parle, je les fais pleurer.

Les gens morts me chagrinent. Ils manquent tout. Partis trop tôt pour voir refleurir les jardins, sentir l’odeur de la pluie, voir rougir les feuilles d’automne et tomber la première neige. Partis trop tôt qu’on n’a pas eu le temps de tout partager avec eux. Partis trop tôt qu’on n’a pas eu le temps de s’y préparer, alors on ne pourra jamais s’y faire. Partis trop tôt qu’on n’a pas pu tout leur dire. Partis trop tôt parce qu’on n’a pas trouvé de remplaçant. Quant on leur parle, ils n’entendent même plus…

Les animaux me chagrinent. Ils ne calculent pas, ils pardonnent toujours, ils s’éprennent de nous sans condition. Si on pouvait lire dans leur tête, verrait-on la souffrance qu’ils ont de ne pas être aimés autant qu’ils le méritent ? Quant ils nous regardent nous les maîtres, veulent-ils nous lancer de l’amour ou de la haine ? Ils me font de la peine, parce que mon amour pour eux est trop grand. Je leur pardonne tout, parce qu’ils y ont droit.

Les gens heureux me chagrinent. Ils sont bien, ils se sentent légers et c’est touchant de bonheur. Je ne les envie pas, je suis comblée pour eux. Mais c’est trop fort, parfois ça me fait pleurer tant ils sont beaux.

3 commentaires:

Philémon a dit…

Une nouvelle entrée pour "mélancolie" dans le Robert que ce texte-ci...

Anonyme a dit…

Après t'arrêtes les posts qui me font brailler, ou je t'enlève de mes liens... :P

Mlanie a dit…

Ça, c'est vraiment une menace poche Sof...