samedi 26 janvier 2008

Depuis que tu n'es plus là...

Cette année, ça va faire six ans. Six longues années durant lesquelles je me suis demandé où tu étais. Six années à me dire que même si j’attendais, tu ne reviendrais jamais. Six années à me demander pourquoi c’était ainsi que ça devait se passer, et pourquoi on ne pouvait pas y échapper. Je n’ai pas trouvé de réponse, et je sais que je n’en trouverai jamais. Ainsi va la vie, qui ne va plus.

Six années, je ne sais même pas si ça a été long ou pas. Hier tu étais là, mais depuis des siècles tu n’y es plus. Ton visage, ta présence et ton effacement sont frais dans ma mémoire, mais ta voix, je n’en connais plus le timbre. Ton regard est là, mais ton odeur je ne saurais plus la reconnaître je crois. Je voudrais tant que tu reviennes quelques secondes pour me réapprovisionner… je pourrais peut-être continuer ainsi quelques années.

Pourtant tu es là, parce que ça me fait du bien de penser que c’est vrai. C’est une douce réalité qui me soulage. Je ne peux l’expliquer à personne, mais je sais que toi, tu comprends, parce que tu sais ne pas parler toi aussi, tu sais vivre les choses à l’intérieur de toi sans pouvoir mettre les mots sur ce qui t’habite. Tu sais exactement ce que je ressens, sans que j’aie à t’expliquer. Nous sommes pareils tous les deux, mais moi je suis encore heureuse, malgré ton absence. Tes démons sont partis en même temps que toi, tu es sans doute heureux toi aussi, où que tu sois. C’est avec ça que je me console.

Mais en fait, je ne le suis pas consolée… et c’est devenu assez clair que je ne le serai pas, ni demain, ni dans mille ans si je devais vivre durant tout ce temps. Je ne sais pas si j’ai mal pour toi, pour les autres ou pour moi. Je ne suis même pas certaine que c’est pour moi en fait, mais sans doute pour eux qui ont mal, et qui vont eux aussi continuer, eux qui auraient voulu que tu restes là et qui auraient eu besoin de toi. Pour toi qui rates tout.

Tellement de choses, tellement de moments que tu apprécierais. J’aurais tant à te raconter ! J’oublie d’ailleurs parfois que tu n’es plus là. Pendant une demie seconde je m’y surprends : « ah, wow, faut que je lui dise que je viens de voir ça ! ». Je ne compte plus les fois où ça m’est arrivé. Je reviens de Bretagne d’ailleurs, tu le sais. J’ai pris des photos de maquettes de bateaux à Saint-Malo - là où sont nos origines - en pensant de les montrer. Je suis revenue à la réalité j’en avais déjà immortalisé trois pour toi. J’en ai huit en tout, parce que j’ai continué. Pour rien, parce qu’il fallait que je le fasse. Parce que je ne peux pas supporter que tu ne puisses plus voir tout ce que tu aimais.

Depuis que tu n’es plus là, tu dois être fier de moi. Tu dois voir tout le progrès que j’ai fait, et voir comment je suis rendue calme. Tu m’as dit un jour que je ne pourrais jamais aimer pour vrai, et je suis souvent revenue à ça en me disant que c’était faux. Mais maintenant je sais ce que tu voulais dire. Aujourd’hui, je m’aime moi, je sais ce que je vaux, je souris, je suis bien. Et j’aime. J’aime tellement que ça fait mal. Et c’est un amour si vrai, si épanouissant, si doux, si extraordinaire, j’espère que tu le vois de là-bas comment c’est beau et comment je m’offre à la vie désormais. Mon amoureux est tellement incroyable, tu l’aimerais, j’en suis certaine. J’aurais aimé te le présenter…

Je pense que je m’accroche peut-être à toi, au fait que je veux croire que tu es là. Chaque fois qu’il y a un problème dans ma vie je t’implore de m’aider, de faire quelque chose stp, et chaque fois que ça va bien je te remercie. J’espère que ça ne te dérange pas, j’espère que tu n’es pas obligé de rester suspendu autour de moi en attendant que je me manifeste, j’espère que je ne te nuis pas.

Tu me pardonneras, j’ai retiré ta photo de ma chambre il y a quelques mois. Je faisais des cauchemars sans fin. Et tu sais que je n’écoute jamais personne, que les conseils des autres ne guident pas ma vie, mais j’ai fait une exception pour ça, j’ai essayé. Sof m’a, à tâtons, suggéré d’enlever ton portrait de là, me chuchotant doucement que ça pourrait m’aider, que peut-être que je te retenais prisonnier en faisant cela. Je l’ai écoutée. Depuis, je n’ai plus rêvé de toi. C’est une bonne chose, puisse que mes nuits étaient trop pénibles. C’est une bonne chose parce qu’elle avait raison, je devais te retenir prisonnier. Depuis que je t’ai laissé partir, du moins un peu, tout a changé dans ma vie, et c’est là que tout s’est mis à bien aller. Je devais le faire, ça ne te dérangera pas je le sais, parce que ça va mieux pour nous deux. Je t’aime encore, je pense à toi aussi souvent, et je me retiendrai de pleurer encore autant à chaque fois qu’un être vivant disparaîtra.

Papa, c’aurait été ton soixantième anniversaire cette année. Tu ne pensais pas vivre aussi vieux, tu voulais manipuler ton destin mais il t’a manipulé avant que tu en aies le temps. C’était trop tôt, et même si tu nous manques terriblement, je souhaite de tout cœur que là où tu es, ça te plait.

Je t’aime